Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/253

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Besenval n’eut pas peur. Mais il n’avait pas moins reçu le coup, subi l’effet moral. « Je lui trouvai, dit-il, je ne sais quoi d’éloquent qui me frappa… J’aurais dû le faire arrêter, et je n’en fis rien. » C’étaient l’Ancien-Régime et la Révolution qui venaient de se voir face à face, et celle-ci laissait l’autre saisi de stupeur.

Il n’était pas neuf heures, et déjà trente mille hommes étaient devant les Invalides. On voyait en tête le procureur de la Ville ; le comité des électeurs n’avait osé le refuser. On voyait quelques compagnies des Gardes-françaises, échappées de leur caserne. On remarquait au milieu les clercs de la basoche, avec leur vieil habit rouge, et le curé de Saint-Étienne-du-Mont, qui, nommé président de l’assemblée réunie dans son église, ne déclina pas l’office périlleux de conduire la force armée.

Le vieux Sombreuil fut très habile. Il se présenta à la grille, dit qu’il avait effectivement des fusils, mais c’était un dépôt qui lui était confié, que sa délicatesse de militaire et de gentilhomme ne lui permettait pas de trahir. Cet argument imprévu arrêta la foule tout court ; admirable candeur du peuple, à ce premier âge de la Révolution ! — Sombreuil ajoutait qu’il avait envoyé un courrier à Versailles, qu’il attendait la réponse, le tout avec force protestations d’attachement et d’amitié pour l’Hôtel de Ville et la Ville en général.

La plupart voulaient attendre. Il se trouva là heureusement un homme moins scrupuleux qui empêcha