Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/271

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stupeur, dit le témoin oculaire. Il regardait bouche béante ce prodigieux spectacle, bizarre, étrange à rendre fou. Les armes du Moyen-âge, de tous les âges, se mêlaient ; les siècles étaient présents. Élie, debout sur une table, le casque en tête, à la main son épée faussée à trois places, semblait un guerrier romain. Il était tout entouré de prisonniers et priait pour eux. Les Gardes-françaises demandaient pour récompense la grâce des prisonniers.

À ce moment, on amène, on apporte plutôt, un homme suivi de sa femme ; c’était le prince de Montbarey, ancien ministre, arrêté à la barrière. La femme s’évanouit, l’homme est jeté sur le bureau, tenu sous les bras de douze hommes, plié en deux… Le pauvre diable, dans cette étrange attitude, expliqua qu’il n’était plus ministre depuis longtemps, que son fils avait eu grande part à la révolution de sa province… Le commandant de La Salle parlait pour lui et s’exposait beaucoup lui-même. Cependant on s’adoucit, on lâcha prise un moment. De La Salle, qui était très fort, enleva le malheureux… Ce coup de force plut au peuple et fut applaudi…

Au moment même, le brave et excellent Élie trouva moyen de finir d’un coup tout procès, tout jugement. Il aperçut les enfants du service de la Bastille et se mit à crier : « Grâce pour les enfants ! grâce ! »

Vous auriez vu alors les visages bruns, les mains noircies par la poudre, qui commençaient à se laver de grosses larmes, comme tombent après l’orage les grosses gouttes de pluie… Il ne fut plus question de