Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/291

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

épées croisées formaient un berceau d’acier ; honneur bizarre emprunté aux usages maçonniques, qui semblait à double sens et qui pouvait faire croire que le roi passait sous les Fourches Caudines.

Il n’y avait nulle intention de déplaire ni d’humilier. Loin de là, il fut accueilli avec un attendrissement extraordinaire. La grande salle, mêlée de notables et d’hommes de toutes classes, présenta un spectacle étrange ; ceux qui étaient au milieu se tenaient à genoux, pour ne pas priver les autres du bonheur de voir le roi, tous les mains levées vers le trône et les yeux remplis de larmes.

Bailly avait, dans son discours, prononcé le mot d’alliance entre le roi et le peuple. Le président des électeurs, Moreau de Saint-Méry (celui qui avait tenu le fauteuil dans les grandes journées, donné trois mille ordres en trente heures) hasarda un mot qui semblait engager le roi : « Vous venez promettre à vos sujets que les auteurs de ces conseils désastreux ne vous entoureront plus, que la vertu, trop longtemps exilée, restera votre appui. » La vertu voulait dire Necker.

Le roi, soit timidité, soit prudence, ne disait rien. Le procureur de la Ville émit la proposition de la statue à élever sur la place de la Bastille ; votée à l’unanimité. Puis Lally, toujours éloquent, mais trop sensible et pleureur, avoua le chagrin du roi, le besoin qu’il avait de consolation… C’était le montrer vaincu, au lieu de l’associer à la victoire du peuple sur les ministres qui partaient. « Eh bien,