Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/331

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Et tout ce grand peuple armé, dressé tout à coup du sillon, demandait à l’Assemblée ce qu’il fallait faire.

Où donc est l’ancienne armée ? Elle a comme disparu. La nouvelle, si nombreuse, l’eût étouffée sans combattre, seulement en se serrant…

La France est un soldat, on l’a dit, elle l’est depuis ce jour. Ce jour, une race nouvelle sort de terre, chez laquelle les enfants naissent avec des dents pour déchirer la cartouche, avec de grandes jambes infatigables pour aller du Caire au Kremlin, avec le don magnifique de pouvoir marcher, combattre sans manger, de vivre d’esprit.

D’esprit, de gaieté, d’espérance. Qui donc a droit d’espérer, si ce n’est celui qui porte en lui l’affranchissement du monde ?

La France était-elle avant ce jour ? On pourrait le contester. Elle devint tout à la fois une épée et un principe. Être ainsi armée, c’est être. Qui n’a ni l’idée ni la force n’existe que par pitié.

Ils étaient en fait, et ils voulurent être en droit.

Le barbare Moyen-âge n’admettait pas leur existence, il les niait comme hommes et n’y voyait que des choses. Dans sa bizarre scolastique, il enseignait que les âmes rachetées du même prix valent toutes le sang d’un Dieu, et ces âmes, ainsi relevées, il les rabaissait à la bête, les fixait sur leur sillon, les adjugeait au servage éternel et damnait la liberté.

Ce droit sans droit alléguait la conquête, c’est-à-dire l’ancienne injustice ; la conquête, disait-il, a fait