Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/160

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confréries généralement composées des petites gens, qui, comme marchands ou d’autre sorte, étaient les clients du Clergé. Pour brouiller l’esprit du peuple, l’ensorceler, l’effaroucher, l’ensauvager, on fit comme aux courses, où l’on met à la bête, sous la peau, un charbon ardent ; alors elle ne se connaît plus… Le charbon ici fut une comédie atroce, une affreuse exhibition. Les confrères blancs, dans leur sinistre costume (le capuce couvrant le visage, avec deux trous pour les yeux), firent une fête de mort au fils que Calas avait tué, disaient-ils, pour l’empêcher d’abjurer. Sur un catafalque énorme, parmi les cierges, on voyait un squelette remué par des ressorts, qui d’une main tenait la palme du martyre, de l’autre une plume pour signer l’abjuration de l’hérésie.

On sait que le sang de Calas retomba sur les fanatiques, on sait l’excommunication que lança aux meurtriers, aux faux juges et aux faux prêtres, le vieux pontife de Ferney. Ce jour-là, touchés de la foudre, ils commencèrent la descente où l’on ne s’arrête pas ; ils roulèrent la tête en bas, ils plongèrent, les réprouvés, au gouffre de la Révolution.

Et à la veille, à grand’peine, au bord même de l’abîme, la royauté qu’ils entraînaient s’avisa enfin d’être humaine. Un édit parut (1787) où l’on avouait que les protestants étaient des hommes ; on leur permettait de naître, de se marier, de mourir. Du reste, nullement citoyens, exclus des fonctions civiles, ne pouvant ni administrer, ni juger, ni ensei-