Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/165

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La garde nationale était mixte. Elle s’était composée en juillet des plus ardents patriotes, qui se hâtèrent d’être inscrits, de ceux aussi qui, n’ayant guère qu’une fortune mobilière, craignaient le plus les pillages ; tels étaient les négociants, protestants pour la plupart. Quant aux riches catholiques, qui possédaient les terres, ils ne pouvaient perdre leurs terres et se hâtèrent moins d’armer. Quand leurs châteaux furent attaqués, la garde nationale, mêlée de protestants, de catholiques, mit tous ses soins à les défendre ; celle de Montauban sauva un château du royaliste Cazalès.

Pour changer cette situation, il fallait éveiller l’envie, faire naître les rivalités. Elles venaient assez d’elles-mêmes et par la force des choses, à part toute différence d’opinion et de parti. Tout corps qui semblait d’élite, qu’il fût aristocrate, comme les volontaires de Lyon et de Lille, qu’il fût patriote, comme les dragons de Montauban et de Nîmes, étaient également détesté. On anima contre ces derniers les petites gens qui formaient la masse des compagnies catholiques, en répandant parmi eux que les autres les appelaient cébets ou mangeurs d’oignons. Accusation gratuite. Pourquoi les protestants auraient-ils insulté les pauvres ? Personne n’était plus pauvre à Nîmes que les ouvriers protestants. Et dans les Cévennes, leurs amis et défenseurs, les protestants de la montagne, qui souvent n’ont pas d’autre aliment que les châtaignes, menaient une vie plus dure, plus pauvre, plus abstinente que les mangeurs d’oignons