Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/17

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celui de la majorité des habitants des villes ; majorité est impropre, il faut dire la quasi totalité.

Prenez maintenant l’envers de ce catéchisme (Voltaire et Rousseau n’ont rien fait, la reine n’a point influé sur le sort du roi, les prêtres et les Anglais sont innocents des maux de la Révolution, etc.), vous avez contre vous la France.

À quoi vous répondrez peut-être : « Nous sommes des gens habiles, des savants ; nous savons la France bien mieux qu’elle ne se sait elle-même. »

Une telle fin de non-recevoir, opposée à la croyance du peuple, m’étonne, je dois l’avouer. Cette histoire, si profonde en lui, qui la vécut, la fit et la souffrit, lui en contester la connaissance, cela me semble, de la part des doctes, une prétention outrecuidante, si j’ose parler ainsi. Laissez-lui messieurs les lettrés, laissez-lui ses jugements, il a bien gagné d’en garder la possession paisible, — possession grave, importante, Messieurs, c’est son patrimoine moral, une partie essentielle de la moralité française, un dédommagement considérable de ce que cette histoire lui coûta de sang.

Quand le peuple a tiré un axiome, un proverbe, de son expérience, il n’en sort pas aisément ; une chose proverbiale pour lui, en médecine politique, qu’il a retenue en 1793, c’est que la saignée ne vaut guère et qu’on est plus malade après.

Et n’eut-il pas l’expérience, le bon sens lui dirait assez que le salut par voie d’extermination n’est pas un salut.