Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/170

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

La saison ajoutait de même à l’exaltation. Cette fête des Rogations, c’est le moment où toute la population répandue au dehors, pleine des émotions passionnées du culte et de la saison, sent l’ivresse du printemps, si puissant dans le Midi. Parfois retardé par les grêles des Pyrénées, il n’éclate qu’avec plus de force. Tout sort à la fois, tout s’élance, l’homme de sa maison, l’herbe de la terre, toute créature bondit ; c’est comme un coup d’État de Dieu, une émeute de la nature.

Et les femmes qui vont traînant par les rues leurs cantiques pleureurs : Te rogamus, audi nos… on savait parfaitement qu’elles pousseraient leurs maris au combat, qu’elles les feraient tuer, s’il le fallait, plutôt que de laisser entrer les magistrats dans les couvents.

Ceux-ci se mettent en marche, et, comme ils devaient le prévoir, sont arrêtés par les masses impénétrables du peuple, par des femmes assises, couchées devant les portes sacrées. Il faudrait passer sur elles. Ils se retirent et la foule devient agressive ; elle menace de brûler la maison du commandant militaire, catholique, mais patriote. Elle se porte à l’Hôtel de Ville pour en forcer l’arsenal. Si elle y parvenait, si, dans cet état de fureur, elle s’emparait des armes, le massacre des protestants, des patriotes en général, évidemment commençait.

La municipalité pouvait requérir le régiment de Languedoc ; elle s’abstient. Les gardes nationaux viennent d’eux-mêmes occuper le corps de garde qui