Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/200

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et sans défense, à l’épouvantable vermine des griffonneurs de papier. Chaque année, ce papier timbré revenait plus noir encore, avec de lourdes surcharges, pour l’effroi du paysan. Ces surcharges mystérieuses, inconnues, qu’on lui lisait bien ou mal, il lui fallait les payer ; mais elles lui restaient sur le cœur, déposées l’une sur l’autre, comme un trésor de vengeances, d’indemnités exigibles. Plusieurs, en 1789, disaient qu’en quarante années ils avaient payé, avec ces surcharges, bien plus que ne valaient les biens, donc qu’ils étaient propriétaires.

Nulle atteinte ne fut portée à la propriété dans nos campagnes qu’au nom de la propriété. Le paysan l’interprétait à sa manière ; mais jamais il n’éleva de doute sur l’idée même de ce droit. Le travailleur des campagnes sait ce que c’est qu’acquérir ; l’acquisition par le travail qu’il fait ou voit faire tous les jours lui inspire le respect et comme la religion de la propriété.

C’est au nom de la propriété, longtemps violée et méconnue par les agents des seigneurs, que les paysans érigèrent ces Mais où ils suspendaient les insignes de la tyrannie féodale et fiscale, les girouettes des châteaux, les mesures de redevances injustement agrandies, les cribles qui triaient le grain tout au profit du seigneur, ne laissaient que le rebut.

Les comités de juillet 1789 (origine des municipalités de 1790) furent, pour les villes surtout, l’insurrection de la liberté, — et pour les villages, celle