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vingt-dix-huit mille électeurs primaires[1] (qui, comme propriétaires ou locataires, payaient la valeur de trois journées de travail, environ trois livres).

Le suffrage universel avait donné six millions de votes ; je m’expliquerai plus loin sur cette limitation du droit électoral, sur les principes divers qui dominèrent l’Assemblée.

Il me suffit ici de faire remarquer le prodigieux mouvement que dut faire en France, au printemps de 1790, cette création d’un monde de juges et administrateurs, treize cent mille à la fois, tous sortis de l’élection !

On peut dire qu’avant la conscription militaire, la France avait fait une conscription de magistrats.

La conscription de la paix, de l’ordre, de la fraternité. Ce qui domine ici, dans l’ordre judiciaire, c’est ce bel élément nouveau, inconnu à tous les siècles, les cinq mille arbitres ou juges de paix, leurs quatre-vingt mille assesseurs. Et, dans l’ordre municipal, c’est la dépendance où la force militaire se trouve à l’égard des magistrats du peuple.

Le pouvoir municipal hérita de toutes les ruines. Lui seul, entre l’Ancien-Régime détruit, le nouveau sans action, lui seul fut debout. Le roi était désarmé,

  1. C’est le nombre donné en 1791 dans l’Atlas national de France, destiné à l’instruction publique et dédié à l’Assemblée. L’évêque d’Autun, dans un discours du 8 juin 1790, ne compte que trois millions six cent mille citoyens actifs. Ce petit nombre serait trop grand, s’il ne s’agissait que des propriétaires ; mais il s’agit aussi de ceux qui payent la valeur d’environ trois livres comme locataires. Le grand nombre est le plus vraisemblable. Tous deux, au reste, le grand et le petit, sont sans doute approximatifs.