Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/208

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breux hiver, vers le printemps désiré qui promet la lumière nouvelle.

Quelle lumière ? Ce n’est plus, comme en 1789, l’amour vague de la liberté. C’est un objet déterminé, d’une forme fixe, arrêtée, qui mène toute la nation, qui transporte, enlève les cœurs ; à chaque pas que l’on fait, il apparaît plus ravissant, et la marche est plus rapide… Enfin l’ombre disparaît, le brouillard s’enfuit, la France voit distinctement ce qu’elle aimait, poursuivait sans le bien saisir encore : l’unité de la patrie.

Tout ce qu’on avait cru pénible, difficile, insurmontable, devient possible et facile. On se demandait comment s’accomplirait le sacrifice de la patrie provinciale, du sol natal, des souvenirs, des préjugés envieillis… « Comment, se disait-on, le Languedoc consentira-t-il jamais à cesser d’être Languedoc, un empire intérieur, gouverné par ses propres lois ? Comment la vieille Toulouse descendra-t-elle de son Capitole, de sa royauté du Midi ? Et croyez-vous que la Bretagne mollisse jamais devant la France, qu’elle sorte de sa langue sauvage, de son dur génie ? Vous verrez mollir avant les récifs de Saint-Malo et les rochers de Penmark. »

Eh bien, la grande patrie leur apparaît sur l’autel, qui leur ouvre les bras et qui veut les embrasser… Tous s’y jettent et tous s’oublient ; ils ne savent plus ce jour-là de quelle province ils étaient… Enfants isolés, perdus jusqu’ici, ils ont trouvé une mère ; ils sont bien plus qu’ils ne se croyaient : ils avaient