Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/231

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pressant la mesure lorsque ce terrible voyageur se précipitait. Abrégé, concentré dans une ronde de fureur et de vertige, il devint le meurtrier Ça ira ! de 1793. Celui de 1790 eut un autre caractère :

Le peuple en ce jour sans cesse répète :
Ah ! ça ira ! ça ira ! ça ira !
Suivant les maximes de l’Évangile
(Ah ! ça ira ! ça ira ! ça ira !)
Du législateur tout s’accomplira ;
Celui qui s’élève, on l’abaissera ;
Et qui s’abaisse, on relèvera, etc.

Pour le voyageur qui, des Pyrénées ou du fond de la Bretagne, venait lentement à Paris sous le soleil de juillet, ce chant fut un viatique, un soutien, comme les proses que chantaient les pèlerins qui bâtirent révolutionnairement au Moyen-âge les cathédrales de Chartres et de Strasbourg. Le Parisien le chanta avec une mesure pressée, une vivacité violente, en préparant le champ de la fédération, en retournant le Champ de Mars. Parfaitement plan alors, on voulait lui donner la belle et grandiose forme que nous lui voyons. La ville de Paris y avait mis quelques milliers d’ouvriers fainéants, à qui un pareil travail aurait coûté des années. Cette mauvaise volonté fut comprise. Toute la population s’y mit. Ce fut un étonnant spectacle. De jour, de nuit, des hommes de toutes classes, de tout âge, jusqu’à des enfants, tous, citoyens, soldats, abbés, moines, acteurs, sœurs de charité, belles dames, dames de la Halle, tous maniaient la pioche, roulaient la