Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/232

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brouette ou menaient le tombereau. Des enfants allaient devant, portant des lumières ; des orchestres ambulants animaient les travailleurs ; eux-mêmes, en nivelant la terre, chantaient ce chant niveleur : « Ah ! ça ira ! ça ira ! ça ira ! Celui qui s’élève, on l’abaissera ! »

Le chant, l’œuvre et les ouvriers, c’était une seule et même chose, l’égalité en action. Les plus riches et les plus pauvres, tous unis dans le travail. Les pauvres pourtant, il faut le dire, donnaient davantage. C’était après leur journée, une lourde journée de juillet, que le porteur d’eau, le charpentier, le maçon du pont Louis XVI, que l’on construisait alors, allaient piocher au Champ de Mars. À ce moment de la moisson, les laboureurs ne se dispensèrent point de venir. Ces hommes, lassés, épuisés, venaient, pour délassement, travailler encore aux lumières.

Ce travail, véritablement immense, qui d’une plaine fit une vallée entre deux collines, fut accompli, qui le croirait ? en une semaine ! Commencé précisément au 7 juillet, il finit avant le 14.

La chose fut menée d’un grand cœur, comme une bataille sacrée. L’autorité espérait, par sa lenteur calculée, entraver, empêcher la fête de l’union ; elle devenait impossible. Mais la France voulut et cela fut fait.

Ils arrivaient, ces hôtes désirés, ils remplissaient déjà Paris. Les aubergistes et maîtres d’hôtels garnis réduisirent eux-mêmes et fixèrent le prix modique