Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/233

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qu’ils recevraient de cette foule d’étrangers. On ne les laissa pas, pour la plupart, aller à l’auberge. Les Parisiens, logés, comme on sait, fort à l’étroit, se serrèrent et trouvèrent le moyen de recevoir les fédérés.

Quand arrivèrent les Bretons, ces aînés de la liberté, les vainqueurs de la Bastille s’en allèrent à leur rencontre jusqu’à Versailles, jusqu’à Saint-Cyr. Après les félicitations et les embrassements, les deux corps, réunis, mêlés, entrèrent ensemble à Paris.

Un sentiment inouï de paix, de concorde, avait pénétré les âmes. Qu’on en juge par un fait, selon moi le plus fort de tous. Les journalistes firent trêve. Ces âpres jouteurs, ces gardiens inquiets de la liberté, dont la lutte habituelle aigrit tant les âmes, s’élevèrent au-dessus d’eux-mêmes ; l’émulation des âmes antiques, sans haine et sans jalousie, les ravit, les affranchit un moment du triste esprit de disputes. L’honnête, l’infatigable Loustalot des Révolutions de Paris, le brillant, l’ardent, le léger Camille, émirent tous deux en même temps une idée impraticable, mais touchante et sortie du cœur : un pacte fédératif entre les écrivains ; plus de concurrence, plus de jalousie, nulle émulation que celle du bien public.

L’Assemblée sembla elle-même gagnée par l’enthousiasme universel. Dans une chaude soirée de juin elle retrouva un moment son inspiration de 1789, son jeune élan du 4 août. Un député de La Franche-Comté