Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/246

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hommes publics, magistrats (treize cent mille magistrats !)… et tout à l’heure propriétaires, le paysan touchant presque son rêve, son paradis, la propriété !!!… La terre, triste et stérile hier, sous les vieilles mains des prêtres, passant aux mains chaudes et fortes de ce jeune laboureur… Espoir, amour, année bénie ! Au milieu des fédérations allait se multipliant la fédération naturelle, le mariage ; serment civique, serment d’hymen, se faisaient ensemble à l’autel. Les mariages, chose inouïe, furent plus nombreux d’un cinquième en cette belle année d’espérance.

Ah ! ce grand mouvement des cœurs promettait encore autre chose, une bien autre fécondité. Fécond en hommes, fécond en lois, ce mariage moral des âmes et des volontés faisait attendre un dogme nouveau, une toute jeune et puissante idée, sociale et religieuse. Rien qu’à voir le champ de la Fédération, tout le monde aurait juré que de ce moment sublime, de tant de vœux purs et sincères, de tant de larmes mêlées, à la chaleur concentrée de tant de flammes en une flamme, il allait surgir un Dieu.

Tous le voyaient, tous le sentaient. Les hommes les moins amis de la Révolution tressaillirent à ce moment, ils sentirent qu’une grande chose advenait. Nos sauvages paysans du Maine et des marches de Bretagne, qu’un fanatisme perfide allait tourner contre nous, vinrent eux-mêmes alors, émus, attendris, s’unir à nos fédérations et baiser l’autel du Dieu inconnu.

Rare moment où peut naître un monde, heure