Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/258

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personnes toutes persuadées d’avance, elle sait parfaitement qu’elle n’a nul contrôle à craindre. Ces brochures sont des poignards ; nous en avons entre les mains qui, pour la violence et l’odeur de sang, égalent ou passent Marat.

Quiconque veut voir jusqu’où peut aller la parole humaine dans l’audace du mensonge n’a qu’à lire le pamphlet que l’homme de Nîmes, Froment, lança de l’émigration, au mois d’août 1790. Là se développe à son aise, en pleine sécurité, tout un long roman : comment la République calviniste, fondée au seizième siècle, édifiée peu à peu, triomphe en 1789 ; comment l’Assemblée nationale a donné commission aux protestants du Midi d’égorger tous les catholiques, pour diviser le royaume en républiques fédératives, etc.

Cette brochure atroce, répandue dans Paris, jetée la nuit sous les portes, semée aux cafés, aux églises, eut ici peu d’action. Elle en eut une, et grande, dans les campagnes. Mille autres la suivirent. Variées selon les tendances différentes du Midi ou de l’Ouest, colportées par de bons ecclésiastiques, de loyaux gentilshommes, des femmes tendres et dévotes, elles commencèrent le grand travail d’obscurcissement, d’erreur, de stupidité fanatique qui, suivi consciencieusement pendant deux années, nous a donné la Vendée, la guerre des Chouans ; de là, par contre, l’affreuse contraction de la France, qu’on appelle la Terreur.

Nos transfuges, d’autre part, allaient inspirer, dicter aux Anglais leurs arguments contre nous. C’est