Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/260

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sympathie de la France, réclamer pour les Irlandais le carnage de Waterloo.

L’éloquent, le bon, le sensible, le pleureur Lally, qui n’écrivit qu’avec des larmes et vécut le mouchoir à la main, était entré dans la vie d’une manière fort romanesque ; il resta homme de roman. C’était un fils de l’amour, que le malheureux général Lally faisait élever avec mystère sous le simple nom de Trophime. Il apprit dans un même jour le nom de son père, de sa mère, et que son père allait périr. Sa jeunesse, glorieusement consacrée à la réhabilitation d’un père, eut l’intérêt de tout le monde, la bénédiction de Voltaire mourant. Membre des États généraux, Lally contribua à rallier au Tiers la minorité de la Noblesse. Mais dès lors, il l’avoue, ce grand mouvement de la Révolution lui inspirait une sorte de terreur et de vertige. Dès son premier pas, elle s’écartait singulièrement du double idéal qu’il s’était fait. Ce pauvre Lally, le plus inconséquent à coup sûr des hommes sensibles, rêvait à la fois deux choses fort dissemblables, la constitution anglaise et le gouvernement paternel. Dans deux occasions très graves, il nuisit, voulant servir, à son roi qu’il adorait. J’ai parlé du 23 juillet, où son éloquence étourdie gâta une occasion fort précieuse pour le roi de se rallier le peuple. En novembre, autre occasion, et Lally la gâte encore ; Mirabeau voulait servir le roi et tendait au ministère ; Lally, avec son tact habituel, prend ce moment pour lancer un livre contre Mirabeau.

Il s’était alors retiré à Lausanne. La terrible scène