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deux soldats au régiment du roi pour demander des renseignements sur l’examen des comptes. Ces pauvres Suisses se croyaient Français, voulaient faire comme les Français ; on leur rappela cruellement qu’ils étaient Suisses. Leurs officiers, aux termes des capitulations, étaient leurs juges suprêmes, à la vie et à la mort. Officiers, juges, seigneurs et maîtres : les uns, patriciens des villes souveraines de Berne et Fribourg ; les autres, seigneurs féodaux de Vaud et autres pays sujets qui rendaient à leurs vassaux ce qu’ils recevaient en mépris de Berne. La démarche de leurs soldats leur parut trois fois coupable ; soldats, sujets et vassaux, ils ne pouvaient jamais être assez cruellement punis. Les deux envoyés furent en pleine parade fouettés honteusement, passés par les courroies. Les officiers français regardaient et admiraient : ils complimentèrent les officiers suisses pour leur inhumanité.

Ils n’avaient pas calculé comment l’armée prendrait la chose. L’émotion fut violente. Les Français sentirent tous les coups qui frappaient les Suisses.

Ce régiment de Châteauvieux était et méritait d’être cher à l’armée, à la France. C’est lui qui, le 14 juillet 1789, campé au Champ de Mars, lorsque les Parisiens allèrent prendre des armes aux Invalides, déclara que jamais il ne tirerait sur le peuple. Son refus, évidemment, paralysa Besenval, laissa Paris libre et maître de marcher sur la Bastille.

Il ne faut pas s’en étonner. Les Suisses de Châteauvieux n’étaient pas de la Suisse allemande, mais