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M. de La Fayette n’était nullement sanguinaire. Ce n’est pas son caractère qu’on attaque ici, mais bien son intelligence.

Il s’imaginait que ce coup, violent, mais nécessaire, allait pour jamais rétablir l’ordre. L’ordre rétabli permettrait enfin de faire agir et fonctionner la belle machine constitutionnelle, la démocratie royale, qu’il regardait comme son œuvre, aimait et défendait avec l’amour-propre d’auteur.

Et ce premier acte, si utile au gouvernement constitutionnel, allait être accompli par l’ennemi de la constitution, M. de Bouillé, qui avait différé tant qu’il avait pu de lui prêter serment et qui lui gardait rancune, — par un homme personnellement irrité contre les soldats, qui tout récemment n’avaient tenu compte de ses ordres et l’avaient forcé de payer une partie de ce qu’on leur devait.

Était-ce bien là l’homme calme, impartial, désintéressé, à qui l’on pouvait confier une mission de rigueur ? N’était-il pas à craindre qu’elle ne fût l’occasion d’une vengeance personnelle ?

M. de Bouillé dit lui-même qu’il avait un plan secret : laisser se désorganiser la plus grande partie de l’armée, tenir à part, et sous une main ferme, quelques corps, surtout étrangers. Il est clair qu’avec ces derniers on pourrait accabler les autres.

Pour employer un tel homme en toute sûreté, sans se compromettre, La Fayette s’adressa directement aux Jacobins. Il effraya leurs chefs du péril d’une vaste insurrection militaire. Chose curieuse !