Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/326

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Saint-Waast qu’il donnerait à son frère la bourse qu’il avait eue au collège Louis-le-Grand. L’évêque le nomma membre du tribunal criminel. Mais Robespierre ayant été obligé de condamner à mort un assassin, sa sœur assure qu’il en fut trop péniblement affecté ; il donna sa démission.

De toute façon il fit sagement, la veille de la Révolution, de laisser cet odieux métier de juge de l’ Ancien-Régime, nommé par des prêtres. Il se fit avocat. Il valait mieux certainement mettre d’accord ses opinions et sa vie, vivre de peu ou de rien, attendre. Quoique fort malaisé, on dit qu’avec un louable scrupule il ne plaidait pas toute cause, il choisissait. L’embarras fut grave pour lui lorsque des paysans vinrent le prier de plaider pour eux contre l’évêque d’Arras. Il examina leur droit, le trouva bon ; nul autre avocat probablement à cette époque n’eût osé le soutenir contre ce roi de la ville. Robespierre, qui croyait que l’avocat est un magistrat, mit les convenances, les sentiments, la reconnaissance sous les pieds de la justice, et sans hésitation plaida contre son protecteur.

Aucun pays plus que l’Artois n’était propre à former des amis ardents de la liberté, aucun ne souffrait davantage de la tyrannie cléricale et féodale. La terre était tout entière aux seigneurs et aux seigneurs-prêtres. Cette dérision d’États que possédait la province semblait un outrage systématique à la justice, à la raison. Le Tiers n’y était représenté que par une vingtaine de maires, à la nomination