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sage du Commerce ; Glootz, rue Jacob ; Legendre, rue des Boucheries-Saint-Germain, etc.

L’honnête boucher Legendre, un des orateurs du club, est une des originalités de La Révolution. Illettré, ignorant, il n’en parlait pas moins bravement parmi les savants et les gens de lettres, sans regarder s’ils souriaient ; homme de cœur entre tous, malgré ses paroles furieuses, bon homme dans ses moments lucides. L’adieu déchirant qu’il prononça sur la tombe de Loustalot dépasse de bien loin tout ce que dirent les journalistes, sans en excepter Desmoulins.

Ce fut l’originalité des Cordeliers d’être, de rester toujours mêlés au peuple, de parler les portes ouvertes, de communiquer sans cesse avec la foule. Tels d’entre eux qui avaient toujours vécu la vie recluse et sédentaire du savant, du littérateur, établirent leur cabinet dans la rue, travaillèrent en pleine foule, écrivirent sur une borne. Jetant les livres, ils ne lurent plus qu’au grand livre, qui, sous leurs yeux, chaque jour, s’écrivait en traits de feu.

Ils crurent au peuple, eurent foi à l’instinct du peuple. Ils mirent au service de cette foi, pour se la justifier à eux-mêmes, beaucoup d’esprit, beaucoup de cœur. Rien de plus touchant, par exemple, que de voir, au carrefour de l’Odéon et de la Comédie-Française, ce charmant esprit, Desmoulins, se mêlant aux maçons, aux charpentiers qui philosophaient le soir, causer avec eux de théologie,