Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/356

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le Scythe), qui mangeait ses cent cinquante mille livres de rentes sur les grands chemins de l’Europe, s’arrêta, se fixa ici, ne put s’en détacher que par la mort. Ainsi l’Espagnol Gusman, grand d’Espagne, se fit sans-culotte, et, pour rester toujours plongé dans cette atmosphère d’émeute qui faisait sa jouissance, il s’établit dans un grenier, au fond du faubourg Saint-Antoine.

Mais à quoi donc m’arrêté-je ? Arrivons aux Cordeliers.

Quelle foule ! Pourrons-nous entrer ? Citoyens, un peu de place ; camarades, vous voyez bien que j’amène un étranger… Le bruit est à rendre sourd ; en revanche, on n’y voit guère ; ces fumeuses petites lumières semblent là pour faire voir la nuit. Quel brouillard sur cette foule ! L’air est dense de voix et de cris…

Le premier coup d’œil est bizarre, inattendu. Rien de plus mêlé que cette foule, hommes bien mis, ouvriers, étudiants (parmi ces derniers, remarquez Chaumette), des prêtres même, des moines ; à cette époque, plusieurs des anciens Cordeliers viennent, au lieu même de leur servitude, savourer la liberté. Les gens de lettres abondent. Voyez-vous l’auteur du Philinte, Fabre d’Églantine ; cet autre, à tête noire, c’est le républicain Robert, journaliste qui vient d’épouser une journaliste, Mlle Kéralio. Cette figure si vulgaire, c’est le futur Père Duchesne. À côté, l’imprimeur patriote, Momoro, l’époux de la jolie femme qui deviendra un jour la Déesse de la Rai-