Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/358

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tout ses propres mensonges, toutes les fictions involontaires auxquelles le porte sans cesse l’esprit d’exagération. Ses habitudes d’empirique lui donnent ce tour d’esprit. Le crescendo sera terrible ; il faut qu’il trouve ou qu’il invente, que de sa cave il puisse crier un miracle au moins par jour, qu’il mène ses abonnés tremblants de trahison en trahison, de découverte en découverte, d’épouvante en épouvante

Il remercie l’assemblée.

Puis sa figure s’illumine. Grande, terrible trahison ! nouveau complot découvert !… Voyez comme il est heureux de frémir et de faire frémir !… Voyez comme la vaniteuse et crédule créature s’est transformée !… Sa peau jaune luit de sueur.

« La Fayette a fait fabriquer dans le faubourg Saint-Antoine quinze mille tabatières qui, toutes, portent son portrait… Il y a là quelque chose… Je prie les bons citoyens qui pourront s’en procurer de les briser. On trouvera, j’en suis sûr, le mot même du grand complot[1]. »

Plusieurs rient. D’autres trouvent qu’il y a lieu de s’enquérir, que la chose en vaut la peine.

Marat, se rembrunissant : « J’avais dit, il y a trois mois, qu’il y avait six cents coupables, que six cents bouts de corde en feraient l’affaire. Quelle erreur !…

  1. Ami du peuple, no 319, 23 décembre 1790. — La crédulité de Marat éclate partout. Au no 320, Louis XVI pleure à chaudes larmes des sottises que lui fait faire l’Autrichienne. Au no 321, la reine a donné tant de cocardes blanches que le ruban blanc a enchéri de trois sous l’aune : la chose est sûre, Marat la tient d’une fille de la Berlin (marchande de modes de la reine), etc.