Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/361

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deux pouvoirs, apprennent, par la vue seule, où réside le vrai souverain. Qu’est-ce qu’un souverain sans palais, un dieu sans autel ? Qui reconnaîtra son culte ?

« Bâtissons-le, cet autel. Et que tous y contribuent, que tous apportent leur or, leurs pierreries (moi, voici les miennes). Bâtissons le seul vrai temple. Nul autre n’est digne de Dieu que celui où fut prononcée la Déclaration des droits de l’homme. Paris, gardien de ce temple, sera moins une cité que la patrie commune à toutes, le rendez-vous des tribus, leur Jérusalem ! »

« La Jérusalem du monde ! » s’écrient des voix enthousiastes. Une véritable ivresse avait saisi toute la foule, un ravissement extatique. Si les anciens Cordeliers, qui, sous les mêmes voûtes, avaient jadis donné carrière à leurs mystiques élans, étaient revenus ce soir, ils se seraient toujours crus chez eux, reconnus. Croyants et philosophes, disciples de Rousseau, de Diderot, d’Holbach, d’Helvétius, tous, malgré eux, prophétisaient.

L’Allemand Anacharsis Clootz était ou se croyait athée, comme tant d’autres, en haine des maux qu’ont faits les prêtres. (Tantum relligio potuit suadere malorum !) Mais avec tout son cynisme et son ostentation de doute, l’homme du Rhin, le compatriote de Beethoven, vibrait puissamment à toutes les émotions de la religion nouvelle. Les plus sublimes paroles qu’inspira la grande Fédération sont une, lettre de Clootz à Mme de Beauharnais. Nul aussi n’en trouva