Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/369

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naissaient parfaitement les agitateurs de place, les ouvriers de l’émeute, qu’ils employaient et lançaient. Ils connaissaient les journalistes violents, les bruyants aboyeurs de clubs, mais les plus bruyants n’étaient pas les plus formidables. Par delà toutes ces colères simulées ou vraies, il y avait quelque chose de froid et terrible, ce qu’ils venaient de toucher ; ils avaient rencontré l’acier de la Révolution.

Ils eurent froid et reculèrent.

Ils voulaient du moins reculer et ne savaient comment le faire. Ils semblaient à l’avant-garde, ils avaient l’air de mener, tout œil était fixé sur eux. La trinité jacobine, Duport, Barnave et Lameth, était saluée comme le pilote de la Révolution, pour la mener en avant. « Ceux-ci au moins sont fermes et francs, disait-on, ce ne sont pas des Mirabeau. » Desmoulins les exalte à côté de Robespierre ; Marat, le défiant Marat, n’a nul soupçon encore sur eux.

Ils devaient pourtant cette grande position à leur dextérité bien plus qu’à leur force. On ne pouvait manquer d’apercevoir leurs côtés faibles, leurs fluctuations, leur caractère équivoque.

On démêla d’abord le vide de Barnave, puis l’intrigue des Lameth. Duport fut connu le dernier.

Chose curieuse, le premier coup, un trait léger de ridicule, fut lancé d’une main nullement hostile, par cet étourdi Desmoulins, enfant terrible, qui disait toujours tout haut ce que bien d’autres pensaient, telles choses souvent qu’on était tacitement convenu