Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/373

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ne regardait que lui, on lui adressait mille allusions ; ce fut un triomphe éclatant, mais le dernier.

Cela le 19 novembre. Le 21, présidant aux Jacobins, Mirabeau écoutait avec impatience le discours de Robespierre sur la garde nationale restreinte aux citoyens actifs. Il entreprit de lui ôter la parole, sous prétexte qu’il parlait contre des décrets rendus. Chose grave, périlleuse, devant une assemblée émue, toute favorable à Robespierre… « Continuez, continuez », crie-t-on de toute la salle. Le tumulte est au comble ; impossible de rien entendre, ni président, ni sonnette. Mirabeau, au lieu de se couvrir, comme président, fit une chose très hardie, qui allait ou lui donner l’avantage ou faire éclater sa défaite. Il monta sur le fauteuil, et comme si le décret attaqué était en lui Mirabeau, comme s’il s’agissait de le défendre et le sauver, il crie : « À moi, mes collègues !… que tous mes confrères m’entourent ! » Cette périlleuse démonstration fit cruellement ressortir la solitude de Mirabeau. Trente députés vinrent à son appel. Et l’assemblée tout entière resta avec Robespierre. Desmoulins, ancien camarade de collège de celui-ci et qui ne perd nulle occasion d’exalter son caractère, dit à cette occasion : « Mirabeau ne savait donc pas que si l’idolâtrie était permise chez un peuple libre, ce ne serait que pour la vertu ? »

Grande révélation aussi du changement profond qu’avait déjà subi le club des Jacobins. Fondé par les députés et pour eux, il n’en avait plus dans son sein qu’un petit nombre qui n’y pesaient guère. Des admis-