Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/393

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huit ans, beaucoup acquis, lu, écrit, mais n’avait rien publié. Cette année même s’achevait la publication des Lettres de Junius, ces pamphlets si retentissants et pourtant si mystérieux, dont on n’a jamais su l’auteur, qui donnèrent un coup terrible au ministère de ce temps. Les élections nouvelles étaient imminentes, l’Angleterre dans la plus vive agitation. Marat, qui avait vu la terrible émeute pour Wilkes (il en parle vingt ans après), Marat, qui admirait, enviait sans doute le triomphe du pamphlétaire, devenu tout à coup shériff et lord-maire de Londres, fit en anglais un pamphlet, qu’il rendit (comme Junius) plus piquant par l’anonyme : Les Chaînes de l’esclavage, 1774. Ce livre, souvent inspiré de Raynal, qui venait de paraître, est, comme le dit l’auteur, une improvisation rapide ; il est plein de faits, de recherches variées ; le plan n’en est pas mauvais ; malheureusement l’exécution est très faible, le style fade et déclamatoire. Peu de vues, peu de portée ; nul sentiment vrai de l’Angleterre ; il croit que tout le danger est du côté de la couronne ; il ignore parfaitement qu’avant tout l’Angleterre est une aristocratie.

Il venait de paraître à Londres, en 1772, un livre français qui faisait du bruit, livre posthume d’Helvétius, une sorte de continuation de son livre : De l’Esprit ; celui-ci avait pour titre : L’Homme. Marat ne perd point de temps. En 1773, il publie en anglais un volume en opposition, lequel, développé, délayé, jusqu’à former trois volumes, fut donné par lui,