Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/433

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d’eux avait demandé la parole, et il l’avait laissé prendre à un député de son parti, qui, dans une proposition fort obscure, demanda l’ajournement.

Mirabeau persista dans l’ordre du jour pur et simple, et voulut parler encore. Alors un homme de la gauche : « Quelle est donc cette dictature de M. de Mirabeau ? » Celui-ci, qui sentit bien que cet appel à l’envie, à la passion ordinaire des assemblées, ne manquerait pas son but, s’élança à la tribune, et, quoique le président lui refusât la parole : « Je prie, dit-il. Messieurs les interrupteurs de se rappeler que j’ai toujours combattu le despotisme ; je le combattrai toujours. Il ne suffit pas de compliquer deux ou trois propositions… (Murmures plusieurs fois répétés.) Silence aux trente voix !… Si l’ajournement est adopté, il faut qu’il soit décrété que d’ici là il n’y aura pas d’attroupements ! »

Et il y avait attroupement ; on ne l’entendait que trop. Les trente, qui cependant avaient ce peuple pour eux, n’en furent pas moins attérés et ne sonnèrent mot. Mirabeau avait fait tomber d’aplomb sur leur tête la responsabilité, et ils ne répondaient pas. Le public, la foule inquiète qui remplissait les tribunes attendait en vain. Jamais il n’y eut un coup plus fortement asséné.

La séance finit à cinq heures et demie. Mirabeau alla chez sa sœur, son intime et chère confidente, et lui dit : « J’ai prononcé mon arrêt de mort. C’est fait de moi, ils me tueront. »

Sa sœur, sa famille, depuis longtemps en jugeait