Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/434

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de même, elle croyait sa vie en danger. Quand il sortait le soir pour aller à la campagne, son neveu, armé, le suivait de loin, malgré lui. Plusieurs fois, on avait cru son café empoisonné. Une lettre qui subsiste prouve qu’on lui dénonça, d’une manière détaillée et précise, un complot d’assassinat.

Cette fois, il avait tellement humilié ses ennemis, les avait montrés si parfaitement indignes de ce grand rôle usurpé, qu’il devait s’attendre tout ; non que Duport et les Lameth fussent gens à commander le crime, mais, dans ceux qui les entouraient, fanatiques ou intéressés, il y avait nombre d’hommes qui n’avaient nul besoin de commandement.

Aussi, quoique Mirabeau eût la fièvre et, par-dessus, la fatigue de cette séance violente, il voulut, le soir même, l’affaire étant chaude encore, une heure après la séance, aller droit à ses ennemis, droit aux Jacobins, entrer dans cette foule hostile, en fendre les flots, et, parmi tant d’hommes furieux qui toucheraient sa poitrine, voir s’il en était quelqu’un qui, du poignard ou de la langue, osât l’attaquer.

Il était sept heures du soir, il entre… La salle était pleine. Les muets de l’Assemblée avaient recouvré la parole. Duport était à la tribune ; il parut déconcerté. Au lieu d’en venir au fait, il errait, s’embarrassait dans un interminable préambule, parlant toujours de La Fayette et pensant à Mirabeau. Il hésitait pour plusieurs causes. Bien supérieur aux Lameth, il sentait probablement que, s’il portait à