Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/435

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Mirabeau un irréparable coup, s’il parvenait à le mettre hors des Jacobins, il pourrait bien n’avoir fait que travailler pour Robespierre. Enfin il franchit le pas ; n’ayant rien dit le matin, ne rien dire encore le soir, c’eût été tomber bien bas. « Les ennemis de la liberté, dit-il, ils ne sont pas loin de vous. » (Tonnerre d’applaudissements.) Tous regardent Mirabeau, plusieurs viennent insolemment lui applaudir à la face. Alors Duport retraça la séance du matin, non sans quelque ménagement, se déclarant l’admirateur de ce beau génie, mais soutenant que le peuple avait besoin avant tout d’une probité austère. Il reprocha à Mirabeau l’orgueil de sa dictature. Vers la fin, il parut s’attendrir encore, dans ce suprême combat, et dit ces paroles habiles, que tout le monde trouva touchantes : « Qu’il soit un bon citoyen, je cours l’embrasser ; et s’il détourne le visage, je me féliciterai de m’en être fait un ennemi, pourvu qu’il soit ami de la chose publique. »

Ainsi il laissait la porte ouverte au repentir de Mirabeau, faisait grâce à son vainqueur, lui offrait en quelque sorte l’absolution des Jacobins.

Mirabeau ne profita pas de cette générosité. À travers les applaudissements donnés à Duport, qui pour lui sont des anathèmes, il avance d’une marche brusque et dit : « Il y a deux sortes de dictatures, celle de l’intrigue et de l’audace, celle de la raison et du talent. Ceux qui n’ont pas établi ou gardé la première et qui ne savent pas s’emparer de la seconde, à qui doivent-ils s’en prendre, sinon à eux-