Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/472

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force ; la supérieure et le directeur l’empêchaient de transmettre à la municipalité la déclaration qu’elle faisait de quitter son ordre. Aux dames de Saint-Antoine, une jeune sœur converse, ayant témoigné de la joie pour les décrets d’affranchissement, fut en butte aux outrages, aux sévices de l’abbesse, grande dame très fanatique, et des autres religieuses qui faisaient leur cour à l’abbesse. La sœur, ayant trouvé moyen d’avertir de ses souffrances et de son danger, sortit d’une manière étrange ; elle passa sa tête au tour, et un homme charitable, la tirant de là à grand’peine, parvint à faire passer le reste. Une famille la reçut dans le faubourg Saint-Antoine ; une souscription fut ouverte dans les journaux pour la pauvre fugitive.

On juge que de telles histoires n’étaient pas propres à calmer le peuple, déjà si cruellement irrité de ses misères. Il souffrait infiniment, ne savait à qui s’en prendre. Tout ce qu’il voyait, c’est que la Révolution ne pouvait ni avancer ni reculer ; à chaque pas, il rencontrait une force immobile, la royauté et, derrière, une force active, l’intrigue ecclésiastique. Il ne faut pas s’étonner s’il frappa sur ces obstacles. Je ne crois pas que les Jacobins aient eu besoin de le pousser ; des trois fractions jacobines, deux (Lameth et Orléans) avaient alors moins d’influence ; quant à celle de Robespierre, elle était certainement violente et fanatique ; toutefois son chef, personnellement, n’était point homme d’émeute, moins encore contre les prêtres que contre tout autre ennemi.