Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/496

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qué qui contenait tout ce qu’on eût désiré pour un voyage autour du globe. Puis, au lieu de prendre une voiture ordinaire peu apparente, elle chargea Fersen de faire construire une vaste et capace berline, où l’on puisse, devant et derrière, ajuster, échafauder malles, vaches, boîtes, tout ce qui fait regarder une voiture sur une route. Ce n’est pas tout, la voiture sera suivie d’une autre où l’on emmènera les femmes. Devant, derrière, galoperont trois gardes du corps en courriers, vestes neuves d’un jaune éclatant, propres à attirer les yeux, à faire croire, tout au moins par la couleur, que ce sont des gens du prince de Condé, du général des émigrés !… Ces hommes apparemment sont des hommes bien préparés ; non, ils n’ont jamais fait la route. Ces gardes apparemment sont des hommes déterminés, armés jusqu’aux dents ; ils n’ont que de petits couteaux de chasse. Le roi les avait avertis qu’ils trouveraient des armes dans la voiture. Mais Fersen, l’homme de la reine, craignant sans doute pour elle les dangers d’une résistance armée, a justement oublié les armes.

Tout cela, c’est le ridicule de l’imprévoyance. Mais voici le triste, l’ignoble. Le roi se laisse habiller en valet ; il s’affuble d’un habit gris et d’une petite perruque. C’est le valet de chambre Durand. Ce détail humiliant est dans le naïf récit de Madame d’Angoulême ; on le trouve aussi constaté dans le passeport donné à la reine, et à Mme de Tourzel, comme dame russe, baronne de Korff. Ainsi, chose inconvenante, qui elle seule révélait tout, cette dame est si intime avec