Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/513

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puissances, sonnèrent furieusement le tocsin. Toute la banlieue l’entendait… Est-ce le feu ? Est-ce l’ennemi ? Les paysans courent, s’appellent, s’arment, prennent ce qu’ils ont, fusils, fourches, faux.

Le procureur de la commune, M. Sauce, l’épicier, se trouvait fort compromis, qu’il agît, qu’il n’agît point. Il avait une maîtresse femme qui, dans ce moment critique, le dirigea probablement. Mener le roi à l’hôtel de ville, c’était porter atteinte au respect de la royauté ; le laisser dans sa voiture, c’était se perdre du côté des patriotes. Il prit le juste milieu, mena le roi dans sa boutique.

Il se présenta à la voiture, chapeau bas : « Le conseil municipal délibère sur les moyens de permettre aux voyageurs de passer outre ; mais le bruit s’est ici répandu que c’est notre roi et sa famille que nous avons l’honneur de posséder dans nos murs… J’ai l’honneur de les supplier de me permettre de leur offrir ma maison, comme lieu de sûreté pour leurs personnes, en attendant le résultat de sa délibération. L’affluence du monde dans les rues s’augmente par celle des habitants des campagnes voisines qu’attire notre tocsin : car, malgré nous, il sonne depuis un quart d’heure, et peut-être Votre Majesté se verrait-elle exposée à des avanies que nous ne pourrions prévenir et qui nous accableraient de chagrin. »

Il n’y avait pas à contredire ce que disait le bonhomme. Le tocsin ne s’entendait que trop. Nul secours. Les gardes du corps avaient inutilement