Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/515

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des hommes de la frontière, qui ont l’ennemi si près, et toutes les calamités, les misères de l’invasion… Aussi les premiers qui entrent à Varennes et qui entendent ce mot ne sont plus maîtres d’eux-mêmes.

Un père livrer ses enfants !… Nos paysans de France n’avaient guère encore d’autre notion politique que celle du gouvernement paternel ; c’était moins l’esprit révolutionnaire qui les rendait furieux que l’idée horrible, impie, des enfants livrés par un père, de la confiance trompée !

Ils entrent, ces hommes rudes, dans la boutique de Sauce : « Quoi ! c’est là le roi ! la reine !… Pas plus que cela !… » Il n’est pas d’imprécations qu’on ne leur jette à la face.

Cependant une députation arrive de la commune, Sauce en tête, soumis et respectueux : « Puisqu’il n’est plus douteux pour les habitants de Varennes qu’ils ont réellement le bonheur de posséder leur roi, ils viennent prendre ses ordres. — Mes ordres, Messieurs ? dit le roi. Faites que mes voitures soient attelées et que je puisse partir. »

MM. de Choiseul et Goguelat arrivèrent enfin avec leurs hussards ; puis, presque seul, M. de Damas, commandant du poste de Sainte-Menehould, que ses dragons avaient abandonné. Ce n’était pas sans peine que ces messieurs avaient pénétré dans la ville : on le leur défendait au nom de la municipalité, on tira même sur eux. Ils parvinrent à la maison de Sauce. Ils montèrent, par un escalier tournant, au