Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/106

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tueux. Ses lettres, lues attentivement, offrent une fluctuation étrange ; elle s’éloigne, elle se rapproche ; par moments elle se délie d’elle-même, et par moments se rassure.

Qui dira qu’en février, partant pour Paris où les affaires de la ville de Lyon amenaient Roland, elle n’ait pas quelque joie secrète de se retrouver au grand centre où Bancal va nécessairement revenir ? Mais c’est justement Paris qui bientôt donne à ses idées un tout autre cours. La passion se transforme, elle se tourne entièrement du côté des affaires publiques. Chose bien intéressante et touchante à observer. Après la grande émotion de la fédération lyonnaise, ce spectacle attendrissant de l’union de tout un peuple, elle s’était trouvée faible et tendre au sentiment individuel. Et maintenant ce sentiment, au spectacle de Paris, redevient tout général, civique et patriotique ; Madame Roland se retrouve elle-même et n’aime plus que la France.

S’il s’agissait d’une autre femme, je dirais qu’elle fut sauvée d’elle-même par la Révolution, par la république, par le combat et la mort. Son austère union avec Roland fut confirmée par leur participation commune aux événements de l’époque. Ce mariage de travail devint un mariage de luttes communes, de sacrifices, d’efforts héroïques. Préservée ainsi, elle arriva, pure et victorieuse, à l’échafaud, à la gloire.

Elle vint à Paris en février 1791, à la veille du moment si grave où devait s’agiter la question de la république ; elle y apportait deux forces, la vertu à