Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/293

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maudites, qui se sont l’une sur l’autre enfouies dans la terre, des Albigeois à la Saint-Barthélémy, aux massacres des Cévennes. Si l’épilepsie fanatique, cette maladie éminemment contagieuse, qui, dans la guerre des Cévennes, frappa tout un peuple, le fit délirer et prophétiser, si par malheur elle eût repris, nous aurions eu un spectacle étrange, horriblement fantastique, tel que la Terreur elle-même n’en a pas offert.

En deux mots : la question s’embrouillait en Languedoc d’un élément très obscur, infiniment dangereux. Le jour se fit sur le Rhône, un jour terrible, qui pourtant diminuait le péril.

Le parti français d’Avignon se fit Français, il faut le dire, sans la France et malgré la France. Il lui rendit, en dépit d’elle, un service signalé. Il avait contre lui, généralement, les autorités royalistes, fayettistes, constitutionnelles. Il trouva en lui toutes ses ressources, naquit de lui-même, vécut de lui-même. Renié cruellement de la France, sans se rebuter, il se jetait dans les bras de cette mère, si peu sensible, qui le rejetait toujours. Il ne l’en servit pas moins d’un dévouement obstiné. Que serait-il arrivé, en juin 1790, si l’homme de Nîmes, Froment, qui avait semé partout sa traînée de poudre, qui, par Avignon et les Alpes, se rattachait aux émigrés, que serait-il advenu s’il eût pu choisir son heure ? Avignon ne le permit pas. La contre-mine, allumée, éclata le long du Rhône. Froment fut obligé d’agir trop tôt et à contretemps ; tout le Midi fut sauvé.