Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/347

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conclusions sévères et donna la priorité au projet de Condorcet ; projet faible, un peu ridicule, si l’on ose dire ; il déférait le serment à des ennemis armés, s’en rapportait à leur parole, continuait le payement des pensions et traitements à ceux qui, sans respect du serment, n’hésitaient point de jurer. Au contraire, les gens d’honneur, qui aimeraient mieux sacrifier leurs traitements que leur conscience, Condorcet les punissait par le séquestre de leurs biens.

Il fut combattu (31 octobre) par un député provençal, Isnard, qui changea violemment les dispositions de l’Assemblée. Jamais on ne vit mieux à quel point la passion est contagieuse. Au premier mot, la salle entière vibra, sous une impression électrique ; chacun se crut personnellement interpellé, sommé de répondre, quand ce député inconnu, débutant par l’autorité et presque la menace, lança cet appel à tous : « Je demande à l’Assemblée, à la France, à vous, Monsieur (désignant un interrupteur), s’il est quelqu’un qui, de bonne foi et dans l’aveu secret de sa conscience, veuille soutenir que les princes émigrés ne conspirent pas contre la patrie ? Je demande, en second lieu, s’il est quelqu’un, dans cette Assemblée, qui ose soutenir que tout homme qui conspire ne doive pas être au plus tôt accusé, poursuivi et puni ? S’il en est quelqu’un, qu’il se lève !… »

Vergniaud lui-même, qui présidait, fut si surpris de cette forme impérieuse et violente qu’il arrêta l’orateur et lui fit observer qu’il ne pouvait procéder ainsi par interrogation.