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Pour effaroucher les joueurs, multiplier les ennemis de la Révolution et perdre la liberté.

L’écolier ne vaut pas le maître. Desmoulins n’a pas encore le maniement de la calomnie comme Robespierre. Il ne la laisse pas, comme lui, indécise et nuageuse, délayée dans une parole vague et fade où l’on voit tout ce qu’on veut. Il y met trop de talent, d’esprit, et de netteté, de lumière. Il pousse à l’extrême, il enfle, grossit, exagère à pleine bouche, et il devient ridicule ; par exemple quand il compare Charles IX et La Fayette.

Robespierre restait absorbé dans cette lutte personnelle. Il retenait les Jacobins et les rendait ridicules, ne voulant rien, ne faisant rien que parler, accuser, trembler, dire toujours : « Prenons garde à nous, n’avançons pas, ne compromettons rien… Abstenons-nous, contentons-nous de bien surveiller l’ennemi… » Une maladie du temps, c’était d’attribuer tout aux Jacobins, comme auparavant la mode était d’attribuer tout au duc d’Orléans. Cette grande société d’inquisition et de partage était comme une ombre sinistre, debout sur la France, que l’on regardait toujours, où l’on croyait toujours voir le point de départ de tout mouvement. Cela était faux, à coup sûr, pour le moment où nous sommes. Les Jacobins, retardés par leur caractère intrinsèque (méfiance et négation), retardés par l’intérêt des Jacobins acquéreurs de biens nationaux qui craignaient beaucoup la guerre, les Jacobins ne faisaient rien.

Rester inertes, lorsque le monde marchait, que les