Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/434

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égayées de chants civiques. Ces danses joyeuses participaient de l’ardeur des fêtes antiques, où l’esclave pour la première fois s’enivrait de la liberté. Les frères embrassaient les frères, et, selon l’humeur française, la fraternité pour les sœurs était encore bien plus tendre.

Nul surveillant, nul désordre, point d’armes et nul excès ; une allégresse, une paix, une effusion extraordinaires. Chacun, dans sa délivrance, sentait déjà celle du monde ; tous les cœurs s’ouvraient à l’espoir que c’était le commencement du salut des nations.

Et c’était justement de même que les rois, de leur côté, envisageaient cette guerre. On peut en juger par l’ordre que donna le roi de Prusse de désarmer les paysans de ses provinces du Rhin. Il ne voyait dans ses sujets que les secrets alliés, les amis de la France, les hôtes de nos soldats, impatients de recevoir les apôtres de la liberté.

Le général probable de la coalition, Gustave III, était mort, assassiné par les siens (17 mars 1792). On ne manqua pas d’imputer sa mort aux partisans enthousiastes que la Révolution avait en Suède. Lui-même, en ses derniers moments, il avait toujours devant les yeux cette France qu’il allait combattre, et peut-être ne l’eût-il combattue que pour être loué d’elle, tant il dépendait de l’opinion du public français et des journaux de Paris ! Tout près de la mort, il disait : « Je voudrais bien savoir ce que va en dire Brissot. »

L’émigration avait gagné à la mort de Léopold,