Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/530

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logique, qu’elle saisît le pouvoir et gouvernât la France par ses commissions ; lorsque le positif, le froid, le vaste esprit de Condorcet conduisit la pensée sur tous les moyens pratiques que l’Assemblée devait adopter, dans son nouveau métier de roi : alors elle sentit quelque terreur, recula sur elle-même. Elle eut un dernier regard, un regret, sur l’accord des pouvoirs, qui, si le roi y eût mis un peu de bonne foi, eût empêché la guerre civile.

C’était le 6 juillet. Le nouvel évêque de Lyon, Lamourette, profitant d’une belle parole que Carnot avait dite sur l’accord et la paix, dit qu’il fallait à tout prix s’accorder, que les deux moitiés de l’Assemblée devaient se rassurer l’une l’autre sur les deux objets de leurs craintes ; qu’il suffisait que le président dît cette seule parole : « Que ceux qui abjurent et exècrent également la république, — et les deux chambres, — se lèvent en même temps. »

L’Assemblée fut émue, et elle se leva tout entière.

Chose étrange et peu explicable ! Que voulait donc cette Gironde, qui, jusqu’ici, sous l’inspiration de Madame Roland, battait le trône en brèche ? Sans doute ils cédèrent à l’émotion universelle. Elle n’était pas en désaccord avec leur pensée intérieure. Depuis l’effet immense du discours de Vergniaud, qui avait si profondément remué la France, ils sentaient tout trembler, ils commençaient à craindre de trop bien réussir, de n’abattre le trône que pour asseoir sur ses débris le trône de l’anarchie, la royauté des clubs.