Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/127

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biens en France et voulait les vendre en Belgique.

Mais les plus furieux peut-être contre l’assignat et Cambon, c’étaient les banquiers. La banque, frappée en Belgique, menacée en sa capitale, je veux dire en Hollande, en Angleterre même, agissait ici contre lui d’une action insaisissable, par ses longs bras invisibles. Cambon les sentait partout et ne les atteignait pas. Tout ce qu’il en voyait, des fenêtres de la trésorerie, c’était le Perron, les marchands d’argent du Palais-Royal, ces courtiers d’or et de sang. Il les voyait, sous ses yeux même, tramer à leur aise, semer les fausses nouvelles, discréditer l’assignat, à petit bruit tuer la France. Il les voyait et souvent échangeait avec eux des regards brûlants de fureur.

Il prit un parti violent contre le monde de l’argent, les banquiers, les fournisseurs. Il joua sa tête. Le 15 novembre, il fit décider que l’ancienne régie cesserait pour les fournitures de l’armée et que la nouvelle ne commencerait qu’au 1er  janvier. C’était décréter que, pendant six semaines, l’armée deviendrait ce qu’elle pourrait. Dumouriez jetait les hauts cris, disait que Cambon était fou. Cambon savait parfaitement qu’une armée établie dans le plus gras pays du monde ne périrait pas ; il croyait que sa détresse obligerait à toucher aux biens ecclésiastiques et féodaux, à en faire des assignats. Cette question si grave, sur laquelle la Convention hésitait, allait se trouver ainsi tranchée par la nécessité. La Belgique, malgré Dumouriez, eût été