Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/155

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M. Hue, sorti de prison et demandant avec une honorable obstination à rentrer dans le Temple, alla solliciter la protection de Chaumette, devenu alors, comme on va voir, procureur de la Commune. Chaumette le reçut à merveille et ferma sa porte pour mieux lui parler. Il lui conta toute sa vie, son emprisonnement à la Bastille pour un article de gazette, comme s’il eût voulu s’excuser, sur ces persécutions, de sa violence actuelle. Il nomma à M. Hue les traîtres qui se trouvaient parmi les serviteurs du roi. Il parla avec intérêt du petit dauphin : « Je lui ferai donner quelque éducation, dit-il ; mais il faudra bien l’éloigner de sa famille pour qu’il perde l’idée de son rang. Quant au roi, il périra. » Puis, s’adressant à M. Hue : « Le roi vous aime », dit-il. Et comme Hue fondait en larmes : « Pleurez, dit Chaumette, donnez cours à votre douleur… Je vous mépriserais si vous ne regrettiez votre maître. »

Chaumette a été guillotiné, ainsi que toute la Commune. Une bonne partie de la Montagne l’a été aussi. Ils n’ont pas eu le temps d’écrire, ils ont abandonné leur mémoire aux hasards de l’avenir. Les royalistes, au contraire, qui se posent comme seules victimes et réclament pour eux seuls la commisération publique, ont survécu et ont eu tout le temps, tout le loisir d’arranger à leur guise ces événements. Qui nous les a racontés ? Pas un Jacobin, pas un Montagnard, pas un homme de la Commune. Les seuls témoins par lesquels nous connaissons les détails du séjour du roi au Temple,