Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/203

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port naturel, ne fait rien que reproduire la maxime non proclamée, mais pratiquée par les rois : De roi à peuple, nul rapport naturel, nulle justice et nulle pitié.

La Russie, en 1792, se déclarant protectrice de la liberté polonaise, provoque dans ce malheureux pays une confédération de traîtres et d’hommes crédules, qui placent dans la générosité de l’ennemi l’espoir de l’indépendance nationale. La Prusse et l’Autriche, qui, la veille, encourageaient la Pologne et lui promettaient appui, tournent contre elle et la livrent. Le roi Poniatowski, impatient d’abdiquer, demande pour toute grâce à cette cruelle Catherine qu’elle finisse ce long supplice d’un peuple, qu’elle lui donne plutôt un prince russe pour successeur… À cela que dit la Russie ? Elle est indignée ! Bon Dieu ! que c’est méconnaître le désintéressement de l’Impératrice ! Est-ce pour elle qu’elle agit ? Non, c’est pour la Pologne seule, c’est uniquement pour son intérêt qu’elle l’use, l’épuisé et la torture. Donnez le gibier au chasseur, il n’en voudra pas ; donnez la souris au chat, il la laisse, il ferme les yeux, bonne et douce bête de proie ! La proie est bonne, mais le meilleur, c’est de la tromper, ruser avec elle, lui faire croire qu’elle échappera… La vieille femme, au cœur byzantin, n’eut pas de plus doux plaisir. La veille du second partage, son jeune favori, qu’on croyait avoir son secret intime et la pensée de l’oreiller, jurait encore aux Polonais qu’aussitôt la constitution républicaine proclamée,