Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/233

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Une nouvelle lumière lui était venue apparemment ; il avait tout à coup senti la gravité de cet acte. Qui la lui avait révélée ? Sans doute les chefs de la Montagne, qui, d’abord muets, atterrés, sous le discours de Vergniaud, avaient saisi cet incident comme une ressource suprême, le poignard de miséricorde, comme disait le Moyen-âge, arme dernière et réservée, dont le vaincu terrassé pouvait percer son vainqueur.

Vergniaud les avait abattus. Gensonné, qui parla ensuite et qui appuya le coup, les avait relevés, ravivés sous l’aiguillon d’une impitoyable piqûre. Il avait été sans colère, ironique et méprisant, cruel surtout pour Robespierre. Il l’avait poussé jusqu’à dire : « Rassurez-vous, Robespierre, vous ne serez pas égorgé, et vous n’égorgerez personne, c’est le plus grand de vos regrets. »

Le lendemain, Gasparin fut lancé sur la Gironde.

La chose ne fut point niée. Les députés incriminés déclarèrent sans difficulté qu’en effet, priés par Boze d’indiquer leurs vues sur les moyens de remédier aux maux que l’on prévoyait, ils n’avaient pas cru devoir repousser cette ouverture. Gensonné avait écrit une lettre ; Guadet, Vergniaud, l’avaient signée. Qui pouvait trouver mauvais qu’à une époque où les chances étaient si incertaines encore, où la cour avait de si grandes forces, une espèce d’armée dans Paris, ils eussent saisi l’occasion d’éviter l’effusion du sang ? On voyait venir la bataille ; une foule sans discipline, sans poudre, sans muni-