Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/257

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Elle ne tenait aucun compte des circonstances atténuantes qu’on eût pu admettre pour un homme né roi, après tout, élevé dans la tradition idiote de la royauté.

Le vote de Madame Roland eût été très rigoureux, si elle eût siégé à la Convention.

Ses amis se divisèrent. Lequel exprima son vote ? Il est difficile de le dire. Celui qu’elle aimait sans doute. Ceci soit dit sans vouloir chercher le secret de son cœur ; nul ne fut assez haut pour être son idéal absolu. Quel ami vota pour elle ? Fut-ce le courageux Barbaroux ? Il vota la mort. Était-ce l’illustre Buzot, le vrai cœur de la Gironde, pour qui elle avait aussi une profonde estime de cœur ? Il vota la mort, sauf ratification du peuple. Lanthenas, qui vivait chez elle, comme un ami inférieur, le famulus de la maison, vota la mort avec sursis. Bancal, qu’elle avait aimé, vota la détention. Et ce fut aussi le vote de son journaliste, de l’ardent, du romanesque, du fanatique Louvet.

Ceux qui ont vu Louvet mourir sous l’outrage des royalistes, consumé à petit feu, chaque jour insulté par eux, en lui, en sa femme même ! ont dû comprendre enfin son vote. Au plus profond du cœur, il avait la République ardente et gravée, il avait le roi en horreur. Il lui fallut, pour l’épargner, le respect le plus fanatique de la souveraineté du peuple. Il aima encore mieux ne pas tuer Louis XVI que de tuer le principe. Le peuple ne voulait pas la mort, et Louvet vota la vie.