Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/260

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devant un danger incertain, douteux, possible. Et moi, je vous dis qu’ils n’ont pas eu peur devant la mort même ; ils ont souri sur la charrette, plusieurs ont chanté à la guillotine le chant de la délivrance. Vous ne me persuaderez pas aisément que ceux qui portèrent la tête si haut, à leur propre exécution d’octobre ou de thermidor, l’aient baissée lâchement devant les cris de la foule au jugement de janvier.

Dans ce but visible d’avilir la Convention en ses plus grands hommes, ils n’ont pas manqué, au défaut de faits précis, de forger des anecdotes pittoresques, mélodramatiques, sachant très bien qu’on les répéterait, au moins pour l’effet littéraire. Selon eux, Vergniaud, par exemple, la veille du vote, aurait promis, juré à une femme qu’il aimait de ne point voter la mort. Il aurait gardé encore cette disposition dans la Convention même et jusqu’au moment fatal. Il monte lentement à la tribune, au milieu d’un grand silence, sous les regards fascinateurs de la Montagne et des tribunes, il arrive, baisse les yeux, et, son cœur faiblissant sans doute, il dit d’une voix sourde : « La mort. »

Indigne anecdote ! honteuse ! Que de preuves et de témoins faudrait-il pour croire un fait tellement déplorable, humiliant pour la France, pour la nature humaine !

Nulle autre source, nulle preuve, qu’un pamphlet de réaction ! Nul témoin qu’un homme qui, dans le procès du roi, changea plusieurs fois de parti, qui trouvait son compte à montrer la variabi-