Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/267

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tiers des voix. Danton d’une voix tonnante : « Quoi ! vous avez décidé du sort de la nation à la majorité simple ; vous n’en avez pas demandé d’autre pour voter la République, pour voter la guerre… et maintenant il vous faut une autre majorité pour juger un individu ! On voudrait que le jugement ne fût pas définitif… Et moi, je vous demande si le sang des batailles qui coule aujourd’hui pour cet homme, ne coule pas définitivement… » Ce mot terrible rappelait une lettre récente de Rebwell et Merlin (de Thionville), qui, de l’armée, du milieu des morts et des blessés, écrivaient à la Convention pour demander si l’auteur de ces maux vivait encore. Il fut décidé que la majorité simple suffirait, que la moitié, plus un seul vote, pourrait décider la mort.

Le troisième appel nominal commença sur cette question : Quelle peine sera infligée ? — Il était huit heures du soir. Le lugubre appel dura toute la nuit, une longue nuit de janvier, un jour encore, un pâle jour d’hiver, jusqu’à huit heures, la même heure qu’il avait commencé la veille. À ce moment l’appel était terminé, mais le résultat n’étant pas proclamé encore, on apporta la lettre du ministre d’Espagne. Danton bondit sur son siège et prit la parole sans la demander… Sur quoi Louvet lui cria : « Tu n’es pas encore roi, Danton… »

« Je m’étonne, dit Danton, de l’audace d’une puissance qui prétend influer sur vos délibérations… Quoi ! on ne reconnaît pas la République, et l’on veut lui dicter des lois, lui faire des conditions,