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de mon fils. » Sa séparation d’avec les siens était parfaitement inutile, dans un procès d’une telle nature, où l’on avait peu à craindre les communications des accusés entre eux. Elle donna lieu à des scènes infiniment douloureuses, qui attendrirent tout le monde pour le roi. Le 19 décembre, il disait à Cléry, devant les municipaux : « C’est le jour où naquit ma fille… Aujourd’hui son jour de naissance, et ne pas la voir !… » Quelques larmes coulèrent de ses yeux… Les municipaux se turent, respectèrent sa douleur paternelle ; eux-mêmes se défiaient les uns des autres et n’osaient pleurer.

Un dédommagement très sensible qu’il eut dans son malheur, ce fut le changement total de la reine à son égard. Il eut bien tard, près de la mort, une chose immense, qui vaut plus que la vie, qui console de la mort : être aimé de ceux que l’on aime.

La reine était fort romanesque[1]. Elle avait dit, dès longtemps : « Nous ne serons jamais sauvés que quand nous aurons été quelques mois dans une tour. » Elle le fut moralement. Sa captivité du Temple la purifia, l’éleva ; elle gagna infiniment au creuset de la douleur. Le meilleur changement qui

  1. Elle parut romanesque au Temple même, mais ce fut dans la forme, et la situation excusait tout.
    xxxxUn des combattants du 10 août, municipal et commissaire au Temple, Toulan, s’était dévoué à elle et se faisait fort de sauver la famille royale, avec l’aide des royalistes. Elle lui donna une boucle de ses cheveux, avec cette devise en italien : Qui craint de mourir ne sait assez aimer. Toulan périt sur l’échafaud.