Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/418

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sur la place, où arrivaient les Vendéens. On vit alors avec étonnement ce que c’était que cette guerre. Sur cette place était un calvaire ; pas un paysan n’y passa sans s’agenouiller ; les mains jointes, chapeau sous le bras, ils faisaient paisiblement leur prière à vingt pas du pavillon, sous le feu le plus meurtrier.

Ce qui faisait leur sécurité, c’est qu’ils étaient bien en règle, confessés, absous. De plus, la plupart, sous leurs vêtements, étaient cousus et cuirassés de petits Sacrés-Cœurs en laine que leur faisaient porter leurs femmes, qui devaient leur porter bonheur et « les faire réussir dans toutes leurs entreprises ».

Cette dévotion extrême avait des effets contraires, fort bizarres à observer. D’abord ils ne volaient pas, ils tuaient plutôt. Ils ne firent pas de désordre dans les maisons. Ils demandaient peu ou rien, se contentaient des vivres qu’on leur donnait. Il n’y en eut qu’un petit nombre, non paysans, mais voleurs ou contrebandiers mêlés aux paysans, par exemple leur canonnier, un drôle nommé Six-Sous, qui fouillèrent les prisonniers et vidèrent leurs poches.

Dès qu’un prisonnier était bien confessé, les paysans n’hésitaient pas à le tuer, bien sûrs qu’il était sauvé. Plusieurs évitèrent la mort en refusant la confession et disant qu’ils n’étaient pas encore en état de grâce. L’un d’eux fut épargné parce qu’il était protestant et ne pouvait se confesser. Ils craignirent de le damner.

L’histoire a été bien dure pour les malheureux patriotes qu’égorgeaient les Vendéens. Beaucoup d’entre eux montrèrent une foi héroïque et mouru-