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Danton avait raison, que Dumouriez, après tout, était encore, dans cette crise, le seul général possible.

Danton voulait qu’avant tout on essayât de lui faire rétracter la lettre, qu’une commission mixte des deux partis allât le trouver, dans laquelle il reconnût l’unanimité de la Convention, qu’on envoyât par exemple lui Danton pour la Montagne, et pour la Gironde Guadet, Gensonné. Ceux-ci déclinèrent la commission. Ils consentirent à garder quelques jours la lettre au comité, responsabilité déjà assez grande. Mais, pour la démarche hasardeuse d’aller conférer en Belgique avec un homme si suspect et si près de la révolte, ils la laissèrent à Danton, qui n’hésita pas et partit au moment même[1].

La lettre de Dumouriez, terrible le 12, fut ridicule

  1. Danton était-il complice de Dumouriez pour l’élévation de la maison d’Orléans ? Était-il en rapport intime avec cette maison ? — Il faut distinguer les dates. Danton, en 1791, était en rapport avec Orléans par une maîtresse commune. En 1792, Orléans était impossible, et peut-être Danton pensa un moment à son fils. Dès la fin de 1792, la République était tout à la fois la raison et la fatalité ; Danton avait trop de bon sens pour vouloir des choses impossibles. La maison d’Orléans, assez embarrassée du triste patronage du transfuge Dumouriez, n’a rien négligé pour faire croire, à certaines époques, qu’elle avait eu celui de Danton. Il n’y a pas la moindre preuve, sauf certaines traditions orales, qui n’ont peut-être d’autre origine que les intéressés. Je regrette que M. de Lamartine, dans sa crédulité magnanime, ait si facilement accueilli des choses si peu prouvées. Par exemple, en son livre V, c’est-à-dire en mars, il met un grand complot de Danton pour la royauté d’Orléans. Danton, pour envoyer un message au duc, alors absent, emprunte à sa seconde femme (la première est morte le 10 février), Danton emprunte à sa seconde femme 50 louis qu’il lui a donnés pour présent de noces. Or remarquez que Danton ne s’est remarié que le 17 juin, lorsque les deux Orléans, l’un parti avec Dumouriez, l’autre en prison à Marseille, étaient devenus l’objet de l’exécration publique et n’étaient plus, à coup sûr, des candidats pour le trône. Le message et le complot sont de pures fictions.